samedi, 11 juin 2016

L'homme de ma vie...

J’aime beaucoup Yann Queffélec, peux être parce qu’il a commis de belles pages sur la mer, mais surtout parce que tout simplement il écrit bien, que j’adore son style.

 

« L’homme de ma vie » est un récit autobiographique écrit à la manière d’un roman. Il y raconte ses relations difficiles avec un père, Henri Queffélec, grand écrivain reconnu, rigide et rigoureux qui se montrera dur, pour ne pas dire méchant avec ce fils qu’il semble ne pas aimer, qui sans cesse lui donne l’impression de le décevoir, de ne pas être à sa hauteur, à celle d’un Queffélec !

Et pourtant, ce fils cri « mon père, ce héros », il l’aime et cherchera toujours à renouer avec celui qui, au lieu d’être fière de la relève, prendra aussi ombrage de la réussite littéraire de son rejeton.

Les relations parent enfant, ne sont pas que des longs fleuves tranquilles et s’aventurent souvent dans le registre du « je t’aime moi non plus ».

L’avantage de l’écrivain, c’est qu’il peut mettre des mots pour vider sa besace de sentiment, de souvenir et repartir serein.

Un très beau récit, bouleversant, parfois difficile, parfois drôle, très bien écrit et que je vous recommande chaudement…

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4° de couverture :

 

- Papa ? Tu ne vas pas y croire, papa.

- Je sais, la femme de ménage m’a prévenu.

- Je viens d’acheter un poisson rouge.

-…

- En fait, papa, c’est moi qui ai le Prix Goncourt cette année.

- J’ai du boulot, p’tit vieux, raccroche.

- C’est pas vrai pour le poisson.

-…

- C’est juste vrai pour le Goncourt.

- La femme de ménage m’a…

-… t’a prévenu, ça va !

Et soudain, j’en ai marre de cette ombre confinée toute grouillante d’acariens à tête de mort, du souffle de papa, du souvenir de maman, je n’ai pas assez de mots pour m’excuser du temps que je lui fais perdre, à mon père, avec tout ça, avec moi, ma vie, au revoir papa, désolé, pardon, merci…. 

 

Et ce fut la première et la dernière fois où, sans même raccrocher, pris d’une rage de perdition, je mis en pièces le téléphone encrassé d’une cabine publique comme s’il y allait de ma vie.

Le Goncourt ! J’étais lauréat du Goncourt ! La honte ! Il ne me le pardonnerait jamais…

Dans ce récit drôle et bouleversant, l’auteur des Noces Barbares - Prix Goncourt 1985 - met à nu les secrets et les joies d’une enfance tourmentée, brossant le portrait d’un père qu’il aimait, redoutait, défiait - l’écrivain Henri Queffélec, l’homme de sa vie.

 

Citation :

 

« On n’est jamais déçu, avec l’écriture. Quand elle a faim, elle ne cesse de vous mordiller comme un chiot rageur, de japper sur la page : écris-moi ! Écris-moi ! Repoussez-la, elle va faire un tour et revient avec un appétit redoublé. »

 

« Autour de vous, ce ne sont pas des monstres marins (encore que), mais un bric-à-brac de personnages assoupis dans l’ombre, parfaitement inoffensifs. Soyez sans crainte si vous les entendez bâiller ou grommeler : ce sont des personnages en attente du maître absent, il leur arrive de s’entraîner, de tuer le temps, de jalouser leur ombre ou de crier leur amour, appeler au secours, d’agir comme tous les personnages de roman, de tuer si nécessaire, ou de pardonner. Derrière eux, logés à l’étroit dans les bibliothèques aux rayonnages ployés, des centaines de bouquins grimpent jusqu’au plafond, débordent sur le plancher, doux comme des agneaux. »

 

« Pasteur l’omniscient l’as des as de l’exploration microbienne. Maman refuse de le seconder sur ce terrain titubant où, mon bel époux, il s’agit ni plus ni moins d’un pomerol, bordeaux capiteux titrant 13° minimum, servi par le père au fils de dix ans relevant d’une grippe intestinale.

— Le pomerol en quantités choisies ne peut que lui faire du bien, belle Mignonne. C’est le lait qui vous détraque un homme. On ne dira jamais assez les méfaits du lait. Il sourit timidement :

— On ne peut pas trinquer avec du lait.