jeudi, 5 octobre 2017

De fringues, de musique et de mecs...

« Pour écrire son autobiographie il faut être un sacré connard, ou alors c’est qu’on est fauché. Moi, c’est un peu des deux. »

 

C’est sur cet incipit que commence le livre de Viv Albertine. Mais qui donc est cette Viv Albertine qui peut se permettre d’en écrire une ? 

Rassurez-vous, comme la plupart d’entre vous, je n’en avais jamais entendu parler jusqu’à il y a peu ; une simple chronique de Juliette Arnaud dans l’émission « Par Jupiter » m’a donné envie d’en savoir plus.

 

Rarement, quelqu’un qui se raconte dans un livre m’a autant touché. Ce qui aurait pu au départ être une histoire somme toute malheureusement banale, une gamine qui vit dans une famille pauvre en Angleterre avec une mère aimante et un père inexistant, devient une aventure musicale pour celle qui va être témoin et acteur des débuts du rock alternatif et surtout du courant punk des années 70.

 

Habitant dans la banlieue ouest de Londres, petite amie de Mick Jones, elle va assister à la naissance des « The Clash », elle une intime de Sid Vicious et des Sex Pistols entre autres.

Elle veut sa propre formation,  uniquement de fille qui ne soit pas que des bimbos, des plantes vertes justes posées sur une scène pour affoler la libido de ces messieurs. 

Avec difficulté, elle se met à la guitare et fonde les Slits qui deviendront rapidement un groupe majeur de la scène punk.

 

On pourrait croire que tout roule dans le meilleur des mondes, mais quand les Slits se séparent dans les années 80 alors qu’elle à 27 ans, quand cette musique un peu spéciale est passée de mode, quand, comme elle le dit elle-même, l’esprit punk s’est dilué dans la soupe commerciale, elle se retrouve brusquement seule. 

Commence alors pour Viv Albertine une longue traversée du désert, entre solitude, dépression, cancer, désir d’enfant, mariage, divorce jusqu’à ce que l’envie d’écrire des chansons, de refaire de la musique, de remonter sur scène se fasse sentir, bref de revivre ; entre-temps, 20 ans se sont écoulés…

 

Ce qui me touche particulièrement dans ce récit, c’est ce sentiment de syndrome de l’usurpateur, qui suinte en permanence de Viv Albertine, quand les apparences pourraient laisser penser que la dame est une battante douée d’une grande confiance en elle, et la manière dont elle affronte ses peurs. Un domaine que je connais bien…

 

Il ressort aussi de son histoire, la puissance de la rage de vivre quand tout autour de soi, dans soi, s’écroule, quand la mort rôde, mais que l’on n’arrive pas à laisser tomber. Les forces insoupçonnées que certaines personnes sont capables de trouver pour remonter la pente, pour guérir, de repartir en étant conscientes de la chance offerte, de dire malgré tout, merci à la vie.

 

Du coup j’ai été sur Deezer écouter les musiques de la dame, celle d’aujourd’hui sous son nom, celle de l’époque des Slits, et j’ai bien aimé.

 

Pour pimenter le tout, pas mal d’anecdotes sur les vedettes d’alors ; et si vous voulez savoir pourquoi l’épingle à nourrice est devenue le symbole des punks, c’est également dans ce bouquin !

 

Un livre tendre et violent, doux et rugueux, un livre rock tendance punk, à lire ; vraiment…

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4° de couverture :

 

« Itinéraire d’une enfant du rock, le texte de Viv Albertine, guitariste du groupe de punk féminin The Slits, est une évocation candide et franche d’un mouvement musical et social qui allait changer l’histoire de la musique.

 

De fringues, de musique et de mecs regorge d’anecdotes sur les Clash, les Sex Pistols, Vivienne Westwood, Johnny Thunders et tant d’autres. Mais ce serait minimiser ce livre féroce et attachant que de le limiter à un énième document rock, car le propos va bien plus loin. En retraçant sans tabou ni biais son parcours de gamine de la classe moyenne anglaise des années 1970 fascinée par la scène musicale et bien décidée à y faire entrer les filles, puis de jeune femme embarquée dans un mouvement aux excès et au nihilisme affichés, et enfin de femme confrontée au grand vide post-punk qui tente de survivre aux excès, à la maladie, et à l’ennui d’une vie rangée, Viv Albertine livre un texte brûlant d’honnêteté et d’engagement.

 

Choquant parfois, brutalement émouvant par moments et toujours drôle, ce livre est une ode aux femmes, un texte féministe qui regarde en face ce qu’il en a coûté – et ce qu’il en coûte encore – d’être une femme, d’être irrévérencieuse, et d’être têtue au point de croire à son destin. »

 

Citation :

 

« Mais je trouve que se masturber quand on est seul c’est comme boire de l’alcool quand on est triste : ça exacerbe la douleur »

 

« À quatre ans, j’avais appris une chose importante : les grandes personnes, ça ment. »

 

« On ne m’a jamais rien dit à propos des mauvais garçons, ni qu’ils sont sexy et captivants ni qu’il faut les éviter »

 

« Je ne comprends pas pourquoi tenir le tempo est une qualité à ce point essentielle dans la musique occidentale. Les percussionnistes africains ne maintiennent pas la même allure d’un bout à l’autre des morceaux, ils accélèrent et ralentissent en fonction de l’humeur, et c’est pareil dans la musique indienne. C’est comme si on nous disait de ne jamais changer la cadence en faisant l’amour. »

 

« La rédaction d’une dissertation m’intimidait, mais Laura Mulvey me donne un conseil formidable : « songe à ce que tu veux dire, puis dis le plus clairement possible. » Je bûche dur, je ne loupe pas un cours. Comme tous les étudiants plus âgés, j’en fais trop. Les gens qui se voient offrir une deuxième chance savent la valeur de leur sursis ».

 

« Mais mon mari, qui a dix ans de moins que moi, est un rejeton des années 1980, il ne croit pas à la réalisation des rêves baba cool, il croit à ce qui rapporte de l’argent ».

 

« Le cycle de la maltraitante est hypnotique ; l’intensité de l’amour qu’on déverse sur toi, suivi de la violence, de la contrition, de ton pardon et de la gêne, et on t’aime à nouveau. »