En Mars 2010, je faisais un billet, qui en a émus plus d’un(e), pour expliquer pourquoi j’irais toujours voter, quelques soit ma colère, mes rancoeurs, mes idées…
Demain est une journée importante, l’avenir de notre pays en dépend, libre à vous de choisir l’un ou l’autre des candidats, mais allez mettre votre bulletin dans l’urne!
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Juin 2007, c’était une belle journée, un de ces dimanches où, si la plage avait été plus proche, l’on aurait bien été se faire griller recto verso sur le sable fin, avec, pour les plus téméraires, un petit plouf bienfaisant dans l’eau encore fraîche d’un hiver pas si lointain.
C’était également jour de vote, pour envoyer à l’assemblée nos édiles, afin qu’ils nous représentent du mieux qu’ils le puissent… Ou pas…
Je ne me souviens plus s’il avait participé pour le premier tour, ma mémoire se joue de moi, surtout concernant cette période. Quoi qu’il en soit, il ne serait pas en état pour le second.
Au commissariat, l’on prend bonne note ; promesse de venir prendre la procuration à domicile. Entre-temps, nouvelle hospitalisation d’urgence, la routine de ces derniers mois…
Quand l’officier se présente, on lui explique le SAMU, le cœur — comme d’habitude —, on ne sait pas pour combien de jours, l’hôpital Percy ne peut pas nous dire…
Cela tombe bien, il y va jeudi et passera le voir, numéro de la chambre, service, tout est OK, il pourra voter pour le second tour.
Et puis si la vie était simple, cela se saurait ! Alors les deux messieurs ont dû se croiser. L’inspecteur, parce que bêtement, il ne l’avait pas mis en tête de ses listes ; mais pourquoi l’aurait-il fait, et lui, parce ce qu’il avait en main son bon de sortie, et que le précieux en poche pas question de rester une seconde de plus ici.
Dernière tentative vendredi pour faire venir quelqu’un à la maison, il est trop tard, il ne votera pas dimanche…
Bah, quelle importance, après tout, ce n’est qu’un vote, ce n’est pas cela qui changera le résultat !
Et puis dimanche arrive, il est fatigué ; un peu plus après chaque hospitalisation. Si la tête est toujours là, le corps, lui, ne suit plus, usé, fatigué, élimé. Depuis décembre sa bouteille d’oxygène ne le quitte pas. En septembre c’était juste deux heures par jour ; et puis la nuit… Maintenant, c’est 24 h sur 24, et la dose augmente régulièrement au gré des visites médicales.
Dehors le soleil brille, l’on a pris un tuyau assez long pour aller au jardin. Les dix mètres pour sortir nous rejoindre demandent dix bonnes minutes de récupération. Il est midi, on va passer à table, il fait chaud, il a froid, normal…
La conversation tourne forcément sur les élections, des chances de tel ou tel, sur des surprises éventuelles, et sur le taux d’abstention…
« Je veux aller voter » assène-t-il d’un coup
Surpris, soyons sérieux, ce n’est pas possible, dans ton état… et pourtant il avait décidé. Il avait toujours voté, et tant qu’il le pourrait, il irait. Il avait connu la guerre, vécu les vicissitudes de la fin de la quatrième et la cinquième, il aimait la liberté, et le droit de vote inhérent à nos démocraties.
Le bulletin dans l’urne est un devoir, et il était têtu !
On n’a pas eu le choix. Mise en place d’un plan de bataille, amener la voiture au plus près, le faire monter dedans, faire les 300 mètres qui nous séparent du bureau de vote, se garer juste au pied de l’escalier, devant le panneau interdiction de stationner ; au vu de l’équipage nul n’osera dire quoi que ce soit. Se mettre à deux pour le soutenir en escaladant les quelques marches de l’école primaire, que, gamin, je grimpais en deux ou trois enjambées, rentrer dans la salle et vite emprunter la chaise d’un assesseur pour nos dix minutes de récupération, la bouteille d’oxygène toujours en bandoulière.
Lâchement, l’on en profite pour effectuer notre devoir de citoyen.
Son bulletin, il l’avait déjà mis dans l’enveloppe, à la maison, grâce aux matériaux électoraux envoyés… le bureau nous autorise donc à zapper la case isoloir, et forcément les dix minutes de récupération obligatoire après. Je ne sais pas si c’est très légal, mais appréciable, sans nul doute…
A voté
Retour à la maison pour sa longue sieste méritée…
Deux semaines plus tard, il nous quittait, c’était son dernier devoir électoral…
Il y a quelques jours, un voisin avec qui je discutais me dit : « La dernière fois que j’ai vu votre père, c’était au bureau de vote »
Dimanche j’irai voter, peu importe pour qui ou pourquoi, mais j’irai. Depuis l’âge de dix-huit ans, je n’ai raté aucune élection, soit directement, soit par procuration, car voter n’est pas un droit, mais bien un devoir d’homme libre…
15 réactions
1 De fyve - 05/05/2012, 22:40
une pensée pour tous ceux qui n'ont pas ce droit, qu'il soit dénié ou bafoué.
j'ai été très fier de pouvoir voter le 8 mai 1988, quelques dizaines d'heures après mes 18 ans. depuis, je n'ai manqué le vote qu'une seule fois, à mon corps défendant.
2 De Otir - 06/05/2012, 06:03
Moi, c'est fait j'ai déjà voté. Avant la métropole. Pareil. Je pense qu'il faut remplir ce devoir pour lequel d'autres se sont battus pour l'obtenir.
3 De mirovinben - 06/05/2012, 07:01
Je me souviens de ce texte (par contre j'ai changé d'avis par rapport à mon commentaire qui évoquait alors aussi le vote blanc). Très belle leçon de civisme.
4 De jathenais - 06/05/2012, 07:53
Fyve > Tiens, voilà qui pourrait répondre à une question que l'on se posait avec mon fils : à savoir comment ça se passe pour les nés entre deux tours ? Tu restes à la maison au premier, et reçois ton petit nécessaire le D-day ? (ou le récupère au bureau dans ton cas, c'était serré pour la poste)
Et puisque nous sommes le 6, puis je te souhaiter un bon anniversaire et un nouveau président par la même occasion ?
5 De Anthom - 06/05/2012, 09:11
J'ai été autant touchée par ton billet que la première fois que je l'avais lu. Mon père également a voté pour la dernière fois en 2007! Il est parti en automne de cette année-là.
Ce matin j'étais au bureau de vote à l'ouverture...Allez, on croise les doigts!
6 De fyve - 06/05/2012, 09:32
@jath : c'était il y a longtemps, alors je me rappelle plus trop de tous les détails. je me souviens d'avoir fait une demande au président du tribunal administratif via une inscription spéciale au commissariat de police, avant le 31 décembre 1987 (date limite d'inscription sur les listes électorales).
courant février 88, j'avais reçu une lettre du tribunal administratif. elle prononçait mon inscription par décision de justice, effective à compter du 6 mai 88. ma carte, de mémoire, m'attendait au bureau électoral.
et merci !
7 De jathenais - 06/05/2012, 10:04
Ah oui, en plus dans le temps, il fallait vraiment aller s'inscrire, alors que c'est maintenant automatique, via le recensement des 17 ans... Merci quand même pour les infos.
8 De fyve - 06/05/2012, 10:14
d'avoir eu à effectuer la démarche a renforcé le coté "devoir moral de voter". plus en tout cas que si cela m'était tombé tout cuit dans la bouche.
tu sais bien, le sentiment de s'être un peu battu pour avoir quelque chose est souvent un peu plus fort.
9 De jathenais - 06/05/2012, 10:45
je ne me rends pas bien compte, j'ai deux ados qui ont un sens aigu de la nécessité de voter, plus que moi sans doute.
Et pour la peine, j'en ai une qui grogne de ne pouvoir aller aux urnes... et de devoir attendre encore je ne sais quel scrutin (2017 ?) pour pouvoir enfin donner son avis !
10 De fyve - 06/05/2012, 11:03
aussi loin que remontent mes souvenirs en la matière, le "devoir civique" a toujours été présent dans la famille (pas seulement le devoir électoral). s'inscrire en 87 m'a paru logique. voter, pareil.
sur ce, je vais aller accomplir mon devoir électoral et tenter de passer le balai.
11 De mirovinben - 06/05/2012, 13:06
De mon temps, le droit de vote n'était accordé qu'à partir de 21 ans, âge de la majorité. Donc pour moi en 1972. De mémoire (puisque je deviens sénile, par le fait), je n'ai dû louper qu'une élection cantonale. Pour des raisons qui m'échappent à présent.
Je trouve que c'est un devoir d'aller voter et pas seulement un droit. D'où la force de ce billet judicieusement sorti des archives...
12 De Anne - 06/05/2012, 18:26
Je n'avais pas lu ce texte au moment où tu l'as publié la première fois, et je ne connaissais pas ce dernier coup de tête (de coeur?) démocratique ... c'est très émouvant de te lire.
De là haut, il doit se réjouir du résultat de ce jour, je vois son grand sourire
13 De Gilsoub - 07/05/2012, 15:36
@Fyves : 88, c'était aussi mes première présidentiel (mais j'avais déjà eu Européenne, législative et municipale)... Et donc, avec un peu de retard, bon anniversaire !
@Otir: et je suis certain qu'aujourd'hui tu es heureuse du résultat Bravo aux expatriés qui remplissent leur devoir civique ! des bises
@Mirovinben: Merci, et cela fait toujours plaisir que l'on se rappelle de vieux écrit. Pour le vote blanc, je suis mitigé, mais plus cela va, plus je pense que son institualisation comme certain le prône n'est pas une bonne chose pour la démocratie.
@Anthom : les doigts croisés ont il été éfficace ?
@Anne : Ouep, si il nous regarde, de toute les façon, c'est forcément avec le sourire
14 De heure-bleue - 28/06/2021, 13:44
Je comprends encore plus, voter c’est un devoir, je suis admirative de, je suppose qu’il s’agit, de ton père.
15 De Gilsoub - 28/06/2021, 14:32
@heure-bleue : oui, c’était mon père