— Je jette à la mer mes dentelles… Salope… Salope, ah, mais quelle salope !

Le vent avait porté des brides de cette éructation aux oreilles de l’hirondelle qui parcourait le chemin en surplomb dédié à ses collègues douanier.

— chef, vous voyez ce que je vois ?

— passe-moi les jumelles, Roger ! Ah ben merde, mais y fait quoi lui ? Allez on y va !

Le brigadier-chef Pandor et Roger, son fidèle suiveur, descendirent en courant l’escalier qui amenait à la digue, au risque d’une fatale chute de sur les marches glissante taillé à même la roche. 

L’homme au bout de la jetée continuait son manège, sortant des bouts de tissus d’une grande valise et vociférant des choses incompréhensibles perdues dans le chahut des vagues, il les jetait dans l’écume des rouleaux venant s’écraser sur ce promontoire. 

Il fallut un peu de temps au brigadier-chef Pandore pour reprendre son souffle avant d’interpeller l’individu suspect en des termes qui figure dans le manuel officiel du jeune gendarme.

— Bonjour, gendarmerie de Saint Plouemel du Routuric, je vous demanderais de cesser immédiatement votre action et de me présenter sur le champ vos papiers d’identité.

— Ha ben, c’est que je n’en ai pas sur moi, je ne prends pas mes papiers quand je vais à la plage…

— Bon, pouvez-vous au moins décliner votre identité ?

— Oui, je le peux…

— Ah bien, merci, mais puis-je vous demander ce que vous faites là ?

— Et bien vous voyez, ma chère et tendre… du moins celle qui le fut à une époque, ne veux plus remplir ce que l’on appelle le devoir conjugal. On serait trop vieux… parait-il… Et puis elle préfère lire… et puis… et puis merde…

— heu oui, mais encore ? Est-ce une raison pour… polluer la mer ?

— Je ne pollue pas, je ne fais que jeter aux sirènes et autres chimères, les tonnes de dentelle que je lui ai offerte, la salope ! puisqu’elle ne veut plus les mettres pour moi, pour mon excitation, pour mon plaisir ! oui hein ? vous pouvez me dire à quoi elle pourrait bien servir ces dentelles…

— Oui en effet, je comprends, mais… oui Roger ?

Engoncer dans son uniforme, perché sur la pointe des pieds pour rattraper la différence flagrante de taille, le jeunot sussurat quelque chose à l’oreille de son supérieur.

— Ah oui, vous avez raison, Roger ! 

Et s’adressant au quidam qui continuait à mélanger dentelle et écume de mer…

— Une chose tout de même me chagrine…

— Oui ? Et quoi donc, je vous prie ?

— Que, par dépit vous vous débarrassiez de quelques vielles dentelles, dont certaine, ma foi, son forte affriolante, je peux l’admettre, mais sauf erreur de ma part, la dame, qui se démène, là, dans l’eau froide en essayant d’atteindre l’échelle de ce muret, ne serait-ce point votre femme ? Et, dans l’affirmatif, était-il vraiment nécessaire de la jeter à l’eau avec ses fanfreluches ?

— Oui, c’est ma femme, la salope ! et elle porte sur elle une magnifique culotte en dentelle que je lui avais offerte à noël ! Elle n’a pas voulu l’enlever ! Ce n’est pas ma femme que j’ai jetée à l’eau, c’est la dentelle de sa culotte voyez vous ! 

  Je jette à la mer mes dentelles… toutes !

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C’était ma participation aux impromptus de cette semaine…