26 Le colibri de l'ingénue

Les mots : 





Le colibri – Robert Dodine – 1966- collection privée  

Il s’agit du premier tableau d’une série de cinq que l’artiste a thématisée sous le label «épinard contemporain».
Cette œuvre se veut dans son épure une dénonciation implacable de la société de consommation.
Au premier plan au centre la mer penche symbole des fractures et des déchaînements d’un monde agité.  
Une ligne invisible nous relie -coin droit en haut- au flibustier qui n’apparaît pas mais que l’on devine en une sorte de présence-absence, un lointain-proche angoissant.
Cette figure étrange est convoquée avec gourmandise par l’artiste qui fait ici référence très explicitement aux prédateurs qui préfigurent la globalisation et la mondialisation. 
Inévitable dans la vision du peintre, l’horreur atteint son climax dans l’empilement en haut à gauche de petits rectangles (à moins que ce ne soient des briques –la question mérite d’être posée) qui n'en finissent pas de se fondre dans un néant ascendant.
Etrange inversion de la chute – ascensionnelle donc- qui vient en écho de… l’espoir.
Oui, où trouver et maintenir l’espoir dans le message, comment dépasser la seule dénonciation, pourrait-on se questionner ?
La pleine maîtrise de l’artiste lui permet de le mettre en scène allusivement avec l’ingénue qui se tient sur la plus basse des deux lignes courbes, prête à fendre le tableau en son centre et désignant le précipice qui attend l’humain dans sa condition avec la perte (la fin ?) de l’innocence, la chute faisant passer d’un rouge à un noir quasi-infernal. 
La frêle flamme de l’espoir n’aura guère duré. 
Implacable, Dodine en est d’autant plus précieux.