L'ignominie.

Aujourd’hui premier mars, je me lance dans l’aventure d’un jeu de mots proposé par Gilsoub. Les 366 Alphabétiques. Il s’agit d’écrire un texte chaque jour en y incluant un mot imposé. Aujourd’hui “Ignominie”.

Comme il le dit lui même dans son texte du jour, ce n’est pas un mot très engageant pour commencer, mais il n’est pas là par hasard. Notre époque nous en donne tellement d’exemples.

Ce mot “ignominie”, qui si on le dépossède de son sens pour n’écouter plus que sa musique, est beau, presque trop pour ce qu’il veut dire. Cette beauté renforce t-elle la violence qu’il contient ou au contraire l’atténue t-elle ? Rend-elle plus audible l’indicible ? L’ignominie se dit elle ? se raconte t-elle ? S’écoute t-elle ?

Ce mot “ignominie” contient ma part de révolte, de nausée, de choc, d’incompréhension des évènements du monde, des évènements de la vie, sa cruauté, sa violence, sa part sombre, sa part d’ombre. Il a bien fallu un mot pour le dire. Mais quand on dit celui là, c’est qu’on ne peut plus dire les autres. C’est un cri : ” c’est une ignominie !”.

Aujourd’hui dans ce cri j’entends les gorges nouées au lendemain des attentats de Charlie Hebdo, je revois les visages ou je les imagine, des survivants. J’écoute ma révolte et ma compassion devant le témoignage d’une femme violée, d’un enfant martyrisé, ou d’un homme qui a dû tout abandonner pour sauver sa peau, par exemple…

Le monde est empli d’ignominie.

L’Ignominie est intolérable, d’ailleurs nous ne la tolérons pas. Nous détournons nos yeux d’elle. Nous l’oublions. Nous utilisons notre arme la plus facilement accessible, elle s’appelle le déni et c’est ainsi que nous y survivons, et c’est ainsi qu’elle peut continuer d’exister. Je dis “nous”, s’y trouvera qui veux, je n’accuse personne de rien. Je sais juste que ça arrive suffisamment souvent pour que l’on puisse dire “nous, êtres humains”.

Il faut beaucoup de courage pour regarder l’ignominie en face, et peut être même parfois faut-il l’appeler autrement pour pouvoir s’y opposer. L’ignominie désigne un acte qui a déjà été commis, c’est trop tard pour l’empêcher. Alors parfois on se raconte collectivement “plus jamais ça” et on se soigne à cette idée que plus jamais on aura à la voir. C’est un élan sincère, il dure plus ou moins longtemps mais le temps est l’ennemi de cette mémoire là et un jour, l’ignominie est à nouveau sous nos yeux. A croire qu’elle ne nous apprend rien.

L’ignominie est humaine, elle n’est pas monstrueuse, non, elle est humaine. C’est en chacun de nous qu’elle nous oblige à regarder, la pire parti de nous.

Heureusement pour l’être humain il existe un autre mot, “Sublime”.