vendredi, 13 janvier 2017

Urgences...

Quand il est sorti de terre dans les années soixante-dix, il était présenté comme l’hôpital le plus moderne d’Europe, son look lui valut quelques cascades de Bébel dans « peur sur la ville », il est devenu gloire nationale pour le premier bébé-éprouvette français, et quand une grossesse se passe mal, les futures mères du coin se battent pour être suivies ici…

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Et puis, derrière la façade de rigueur, la vie nous oblige des fois à fréquenter ces lieux en simple visiteur mortel.

 

 

Les urgences, c’est un peu la Cour des Miracles. Ceux assis qui attendent depuis pas mal de temps, ceux qui ont l’air très mal recroquevillés sur un lit, les pompiers qui amènent cet homme bardé de tuyaux et de fils relié à une grosse machine posée sur le brancard, lui, il ne traîne pas dans le hall, filant entre les portes battantes suivies d’une flopée de blouses blanches qui s’affaire.

Là, ce jeune en survêtement qui boite, accompagné de la moitié de ce qui semble être une équipe d’un sport quelconque.

 

 

Des cris, des gémissements, des silences, des raleries ; des remerciements aussi, peu…

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Ici, ceux qui travaillent sont en grève depuis plus d’un mois, et pourtant ils sont au taf…

Mais ils sont en grève…

Bref, ils font grève en bossant…

 

On sent la surcharge de boulot, le manque d’effectif, des affiches expliquent le pourquoi de leur ras-le-bol, la rigueur budgétaire imposée par un crâne d’œuf que j’imagine plus gestionnaire que soignant et humain.

 

En grève, et pourtant souriante (ce sont surtout des femmes !), affable, disponible…

 

J’ai discuté un peu avec elles, j’ai signé la pétition, je les ai remerciés pour leurs boulots…

La semaine prochaine, avec mon frère, on va leur amener une boîte de chocolats…

 

À l’accueil je demande où se trouve celle que je suis venu voir, une jeune fille me dit qu’elle va m’accompagner, sur son badge est marqué « Service civique », je lui dis que c’est bien, elle sourit.

 

Le couloir est peuplé par des dizaines de lit occupé, la Cour des Miracles continue ; et la grippe nouvelle n’est pas pour arranger les statistiques…

 

Elle est là, couchée, fatiguée, pas bien ; cela fait 24 heures ; bruit, lumière permanente, va-et-vient constant.

 

On comprend la grève, le bras de fer avec une direction planquée dans ces bureaux…

 

La bonne nouvelle arrive 10 minutes plus tard, une place dans un box des urgences s’est libérée…

 

C’est mieux que le couloir, mais le bruit est toujours là…

 

Le lendemain, le frangin a bien dealé avec le toubib, une chambre est trouvée dans un service adéquat. On nous annonce entre 8 et 10 jours d’examens divers et variés, toutes les évidences graves ayant déjà été écartées par les premiers. Il va nous falloir un peu de patience, mais on devrait savoir, ne plus être dans l’expectative…

 

Elle est là, elle dort, récupérant enfin de la fatigue des urgences ; c’est bien les jeux sur les smartphones !

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Dans le couloir un petit vieux à l’air jovial, se raconte des histoires, pathétique et amusant à la fois, régulièrement il appelle Josianne, certainement un amour du temps où il avait toute sa tête.

Je le regarde en repartant ; il me demande s’il pleut. J’essaie d’imaginer qui il était avant…

 

Je repense à Jacques Brel :

 

Mourir cela n’est rien 

Mourir la belle affaire

 Mais vieillir…

ô vieillir

 

(11/365 - 12/01/17)