vendredi, 24 février 2017

Le deuil c'est la vie...

Il y a une semaine, l’on accompagnait ma mère vers sa dernière demeure. Toujours aussi émouvant ce moment où, inconsciemment, quand la caisse de bois disparaît dans la fosse creusée à même la terre, l’on a brusquement cette certitude que maintenant c’est vraiment fini, que jamais l’on ne reverra se sourire espiègle, n’entendra cette douce voix, refera un câlin ; je suis orphelin !

 

Mon  deuil, je l’ai commencé vers le 20 janvier, quand le verdict médical est tombé, lorsque l’inéluctable fut une certitude. Six semaines d’une brève maladie avec la première grosse crise le 29 décembre où j’ai appelé le SAMU, début de la brusque descente vers la mort. L’évidence des signes avant-coureurs que nous n’avions pas vus, depuis au moins le mois d’août, et puis la fatalité de se dire qu’au fond, cela n’aurait pas changé grand-chose. Regretter puis se souvenir que 84 ans, c’est déjà une belle vie ; on aurait voulu plus.

 

La mort interroge toujours les vivants.

 

Comme pour mon père 10 ans plus tôt, je l’ai vu partir le cœur serein, aucun non-dit entre nous, de choses tues qui me serait resté en travers de la gorge faute d’avoir pu l’expulser.

 

J’ai été fier de mon papa, de ce qu’il était.

Je suis fier de ma maman, de sa vie de militante des droits des femmes, de ceux de l’homme aussi ; émus par tous les témoignages qui sont venus acter ces nombreux engagements.

Que ce soit à « Jeune femme », à « Maternité heureuse » et sa participation à la création du « planning familial », présidente auprès de l’UNESCO de l’« Alliance mondiale des unions chrétiennes féminines (World Young Women‘s Christian Association) » et son voyage en 1995 à la 4°conférence mondiale sur les femmes à Pékin en représentante d’ONG pour l’Unesco, sa joie d’alors, un peu l’aboutissement de son engagement ; il y a encore deux mois, elle était bénévole auprès d’une des boutiques d’Artisan du Monde

 

De son rôle de mère de 4 garçons, de ce qu’elle a fait de nous, de ce qu’elle nous a inculqué, de comment elle nous a accompagnés sur le chemin de la vie.

 

Quatre-vingt-quatre ans d’une existence bien remplis dont elle peut être fière.

 

Elle est partie un 13 février, le jour de sa fête, rejoindre son mari ; peut-être pour la Saint Valentin…

 

C’est fou comme tout va vite.

Le lundi midi, je l’ai vue pour la dernière fois vivante, à 23 heures c’était son corps sans vie, sommairement préparé pour les proches. Comme pour mon père, ce n’est pas tant la pâleur ou le visage serein et figé qui m’a marqué, ni la rigidité des doigts ou la froideur de la peau, mais l’absence d’un mouvement respiratoire, cette poitrine qui ne se soulève plus au rythme du souffle.

Ce n’est pas l’image d’elle que je garderais en mémoire.

 

Le mardi matin, c’était pompe funèbre, presque comique tant la nervosité et le stress apparents de celui qui nous recevait me faisait penser que, s’il continuait à ce rythme, il prendrait vite la place de ses clients.

Je l’avais déjà fait pour mon père, alors à moi les négociations rapides : le plus simple possible, le cercueil le moins cher, avec juste une croix huguenote dessus. Pour le reste nous avons une concession de 50 ans au très beau cimetière jardin de Clamart, il reste 3 places.

Une bonne amie dans les mêmes affres que moi, à une semaine près, m’avait rappelé de ne pas oublier le livret de famille. Excellente idée, puisqu’ils s’occupent de toute la paperasserie pénible auprès de la mairie ; remplissage des dates de décès et fourniture d’une dizaine de certificats.

L’on se plaint souvent des tarifs des pompes funèbres, mais finalement 3 600 euros tout compris de la prise en charge du corps jusqu’à l’inhumation ce n’est pas si exorbitant que cela ; c’est vrai que nous n’avons pris aucune option.

La seule partie tendue fut la négociation de la date, on aurait bien voulu le jeudi, mais il y a forte concurrence, les places sont chères, il semblerait qu’en ce moment, nos anciens tombent comme à gravelotte !

Finalement ce sera, histoire d’éviter le lundi, le vendredi à condition de ne pas trop traîner, nous serons les derniers après les fossoyeurs sont en week-end.

 

 

Je vous passe la cérémonie, beaucoup de monde, le chagrin, les réponses automatiques ; je survole, je suis autre part. Plein de gens qui étaient là et dont je n’ai découvert la présence que grâce au livre de condoléances.

 

Ce n’est que quand tout est fini, quand l’on se retrouve seul, enfin, que le coup de barre des tensions de la semaine vous tombe dessus, impitoyable…

 

Il reste plein de choses à faire ; l’administratif d’après décès est bien souvent assez lourdingue. J’ai déjà effacé le compte Facebook ; sûrement très symbolique de ma part !

L’on s’est partagé les tâches avec les frangins, mais l’important en ce samedi matin, l’urgent ayant été géré, était de prendre la route avec l’amoureuse et ma belle fille pour des vacances montagneuses prévues de longue date, seulement amputées de quelques jours ; le reste attendra bien une semaine !

pho1700053.jpg
 

L’air frais et froid des cimes, les câlins de l’amoureuse, le bonheur sur le visage de la princesse se roulant dans la neige, les sommets à 2000 suffisent à atténuer la douleur et à oublier un moment que l’on est en deuil.

 

Je suis dans un état étrange, mélange de tristesse et de grand bonheur…

 

La vie continue et reprend son chemin ; il y aura toujours la présence de l’absence de ceux, pourtant indispensable, qui trop tôt nous ont quittés.