« Quand je marche dans la merde, je trempe la semelle souillée dans une flaque, puis je la gratte contre le bitume, au pire je grimpe chez moi et je la lave à l’eau chaude, dans l’évier de ma cuisine.

Avec Jean-François Copé, c’est plus compliqué. »

Je chéris cette méchanceté toute sauf gratuite de gens comme Nicolas Bedos.

Comme le faisait remarquer Ksé dans un commentaire, ce genre de fou du roi, on aime ou pas, c’est bien souvent épidermique. Moi j’adore.
Méchant certes, mais uniquement à l’encontre de personne ou d’institutions qui ont les moyens de lui répondre.
Il ne s’oublie pas non plus dans ses portraits à l’acide faisant preuve d’une grande autodérision.
Dans ce livre, toute la clique en prend pour son grade. Sportifs, artistes, politiques, entreprise, ses amis, ses ennemis ; les uns devenant parfois les autres.

Bref, sous le fallacieux prétexte de nous conter un an de sa vie amoureuse, Nicolas Bedos nous présente ses chroniques saupoudrées d’arsenic, un œil critique toujours ouvert sur les réalités de ce monde.

Je ne peux résister à l’envie de vous proposer encore un extrait de cet ouvrage où il tape à bon escient sur les maux de notre société médiatique :

« Le virus Depardieu.

Paris-Match, Marianne, Le Point, Le Monde Mag, l’Express, VSD : même combat, même couverture. Laquelle ? Un dépressif au cerveau brûlé par des décennies de drogue et de biture part en couille et en Russie. Là-dessus, l’hypocrisie consistera à faire passer un pet d’ébriété pour un fait de société. « Les Français quittent le navire » ? « La politique fiscale de Hollande prive la croissance de nos riches » ? « La France coupée en deux » ? Non, Depardieu est un pochtron. Et, comme toujours, ça mélange tout, pour peu que cela ait du goût :  les 75 % d’imposition, le « mirobolant » salaire des acteurs, le financement public du cinéma déficitaire, les échecs au box-office, la santé d’Obélix, les trois neurones de Johnny Hallyday fructifiés par Amanda Sthers. On mélange ! Et plutôt que de dénoncer l’aigreur malsaine engendrée par la crise à l’égard des idoles, des patrons, des sportifs, vous attisez le ressentiment à coups d’approximations racoleuses.

La vérité ? Non, 98 % des acteurs ne sont pas surpayés. Non, les organisations publiques ne financent pas les films commerciaux, et encore moins les stars. Non la plupart des riches ne rechignent nullement à payer leurs impôts en France. Mon meilleur ami s’appelle Jean Dujardin et il faudrait le payer (cher !) pour qu’ils s’installent en Belgique, en Suisse ou aux États-Unis. Quant à ses « cachets monstres », ils sont allègrement concédés par des majors privés et des chaînes commerciales. C’est la loi d’un marché que, à tort ou à raison, les électeurs cautionnent. Seulement, si l’électeur est assez sage, le lecteur, lui, aime dire et maudire à outrance. Ça le soulage, ça le rassure, ça le console de sa vie douloureuse. On le comprend. Mais on tolère moins facilement que nos hebdos moutonniers, prenant le pouls de sa colère en jetant un œil jaloux dans la bassine de fiel que représente Twitter, s’empresse de flatter sa bile, d’enfler son foie rongé par les acidités. »


Nicolas Bedos – la tête ailleurs. Éd. Robert Laffont.