Au réveil tu te demandes pourquoi cette boule d’angoisse dans le ventre, tu n’as pas envie de bouger, d’y partir, tu as juste besoin de pleurer ; et tout en ruminant ta non-envie, tu te prépares, comme tu l’as toujours fait !

La première fois que tu as ressenti ça, c’était le premier jour de ton vrai premier boulot, celui où tu devrais te rendre quotidiennement, avec de véritables sous à la fin. Sur le périph, à chaque porte, tu voulais sortir, faire demi-tour, ne pas y aller… Et tu y es allé… Parce qu’il faut, parce que tu es fort, parce que « non, mais ça va, tu ne vas pas nous chier une pendule » !

Pendant une semaine, tu as eu cette boule au ventre, l’estomac en vrac, les larmes au bord des yeux ; et puis c’est passé…

 

Et puis de nouveau, quand, première guerre du Golf oblige, tu t’es retrouvé au chômage, viré de ton CDI. Curieusement, ce n’est pas dans la galère que c’est revenu, non, mais plutôt quand ta carrière de free-lance a commencé à décoller. Tu te rappelles, c’était dans une tour de la défense, celle de Elf, il te semble, tu avais installé un vidéoprojecteur dans une grande salle pour une réunion, et tu attendais ton client, il avait du retard, beaucoup, et étonnamment, plus tu patientais, plus cette boule ressurgissait, plus tes intestins se contractaient, plus tes yeux se mouillaient, tu n’avais pas envie d’être là, plus envie de rien, tu voulais fuir et puis il est arrivé ! Poker en face, comme d’hab…

Et tout ça a passé, la vie, un métier qui te plaisait, beaucoup de boulot…

Trop ?

Surement…

 

Tu as 40 ans et l’autoroute défile au volant de ton bahut. La commerciale, une copine, a décidé de descendre avec toi pour te tenir compagnie ; elle aurait pu profiter de son dimanche et venir demain en train… Elle parle, vous bavardez, mais tu n’es pas là… Tu te souviens juste que tu as failli vous mettre dans le décor en voulant prendre une bouteille d’eau, un petit coup de volant malencontreux, le camion en surcharge fait une grosse embardée, frôle la barrière de sécurité et le fossé ; tu rattrapes le coup, tes bonnes étoiles ne sont pas loin, mais le reste du voyage sera plus silencieux, la peur rétrospective s’ajoute à ton anxiété. Tu n’as pas eu la trouille pour toi, mais simplement la crainte d’avoir manqué de la tuer ! Et te dire qu’au bout du compte, tu aurais pu mourir, mais bon ce n’est pas bien grave. Ça t’angoisse encore plus…

 

 

Tu passes quatre jours horribles, tu te forces pour tout, le moindre  problème technique, base de ton boulot, te semble insurmontable, là où d’habitude tu te contentes, d’un « pff fait chier… ». Tu as l’impression d’être un robot, de ne pas être ici, tu considères comme un miracle qu’au final tout se soit bien déroulé, et puis tu reprends ton camion et tu remontes seul sur Paris…

(A suivre)