vendredi, 10 novembre 2017

Voyeurisme...

Je ne suis pas un voyeur en puissance, juste un voyeur de circonstance ; ce qui n’est pas forcément désagréable !

 

Je me souviens d’une balade sur la plage de Jullouville, il y a longtemps déjà, où j’ai aperçus de loin, mais suffisamment prêt pour que je distingue nettement la charmante gâterie qu’une jeune femme prodiguait à son camarade de jeu. Cela m’avait fait sourire, me laissant songeur au point de regretter que ma flânerie d’alors fût en solitaire. 

 

Quand le fantasme s’en mêle…

 

Une autre fois, en vacances quelques jours dans la maison d’un ami dans une petite ville du sud, j’eus l’occasion de titiller mon imagination. 

J’étais encore fumeur, et disposant d’une chambre au second étage je me mettais à la fenêtre pour assouvir mon vice cancérigène. Un jour, me penchant plus que d’habitude, je m’aperçus que j’avais une vue plongeante sur l’huis d’une chambre au premier étage d’un batiment situé légèrement en biais de mon poste d’observation. 

 

Il était 10 heures du matin, la fenêtre de cette pièce était grande ouverte sur une magnifique jeune fille déambulant nue, faisant son ménage, remettant ses draps en place…

Je rallumais une cigarette histoire de faire durer ce moment. Je dois bien avouer que la vision de ce corps qui me semblait parfait en tout point ne me laissa pas de marbre ! J’aurais pu écrire quelques épisodes supplémentaires de la petite robe rouge…

Le petit jeu dura les 3 jours de ma présence, la demoiselle était relativement ponctuelle. Quant à mon trouble, il fut amplifié quand la belle vint s’assoir avec une amie à la même terrasse de bistrot où nous buvions une bière.

Elle n’en sut jamais rien et c’est tant mieux !

 

Pourquoi je vous parle de tout ça ?

 

Parce que je viens de lire « Le motel du voyeur » de Gay Talese, livre étrange qui nous plonge dans le monde du voyeurisme. C’est l’enquête sur un tenancier de motel américain, qui durant plusieurs décennies à espionner, lui dira observer, un certain nombre de ses clients au moyen de 6 chambres qu’il avait trafiquées à cet effet. Sous le couvert d’une étude sociologique sur la sexualité dont même lui n’était pas dupe, il notait précisément toutes ces séances dans un cahier, qui effectivement, au fil du temps devient une enquête sur l’évolution des moeurs  et des pratiques sexuelles entre les années 60 et les années 90.

 

C’est aussi tenter de nous expliquer les motivations d’un voyeur, ces heures passées à observer, immobiles, tel un chasseur, souvent pour rien, de toutes ces déceptions, de frustration rentrée juste pour ces quelques minutes d’adrénaline quand enfin il se passe quelque chose.

 

De l’horreur aussi, quand il ne peut intervenir sous peine de se dénoncer, toute ces choses violente qui peuvent se passer derrière une porte de chambre, des coups, des viols, de la drogue, des enfants, et même un meurtre. Du remords qui le ronge…

 

Et puis dans tout ce fouchtra, il y a aussi les incohérences de ces notes, les dates qui ne collent pas, les faits qu’on ne retrouve pas, le doute qui s’immisce dans l’esprit du journaliste qui, si il n’avait pas participé lui-même à une séance, s’il n’avait pas vu l’installation de ses propres yeux aurait certainement jeté l’éponge. Où sont la part de vérité et celle du fantasme ?

 

Livre passionnant, mise en abime amusante où nous nous retrouvons dans le rôle d’un voyeur observant un voyeur…

 

Par contre, si vous cherchez du croustillant, passez votre chemin, il n’y a pas grand-chose à se mettre sous la dent…

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4° de couverture : 

 

Le 7 janvier 1980, Gay Talese reçoit à son domicile new-yorkais une lettre anonyme en provenance du Colorado. Le courrier débute ainsi : « Je crois être en possession d’informations importantes qui pourraient vous être utiles. » L’homme, Gerald Foos, confesse dans cette missive un secret glaçant : voyeur, il a acquis un motel à Denver dans l’unique but de le transformer en « laboratoire d’observation ». Avec l’aide de son épouse, il a découpé dans le plafond d’une douzaine de chambres des orifices rectangulaires de 15 centimètres sur 35, puis les a masqués avec de fausses grilles d’aération lui permettant de voir sans être vu. Il a ainsi épié sa clientèle pendant plusieurs décennies, annotant dans le moindre détail ce qu’il observait et entendait – sans jamais être découvert. A la lecture d’un tel aveu, Gay Talese se décide à rencontrer l’homme. Au travers des notes et des carnets du voyeur, matériau incroyable découpé, commenté et reproduit en partie dans l’ouvrage, l’écrivain va percer peu à peu les mystères du Manor House Motel. Le plus troublant d’entre eux : un meurtre non résolu, digne d’une scène de Psychose, auquel le voyeur assisterait, impuissant.

Le voyeur exige l’anonymat; l’écrivain, soucieux de toujours livrer les véritables identités de ses personnages, s’en tient aux prémices de son enquête. Trente-cinq ans plus tard, Gerald Foos se décide à rendre publique sa machination et Gay Talese peut enfin publier ce livre dérangeant et fascinant.

Le Motel du Voyeur interroge aussi, à travers la figure de Gerald Foos, étrange double pervers de l’auteur, la position du journaliste qui scrute le réel en observateur – en voyeur. Au-delà du fait divers, cette plongée hallucinante dans la psyché américaine parcourt une sociologie criminelle des moeurs, et s’avère être le plus parfait des romans noirs, à mi-chemin du chef-d’oeuvre de Truman Capote de sang-froid et du Journaliste et l’Assassin de Janet Malcolm. Gênant, passionnant, troublant, autant le dire , roman ou enquête, vous n’avez jamais lu un tel livre.

 

 

Citation :

 

« La plupart des gens donnent l’impression d’être heureux quand ils se présentent ensemble à la réception du motel pour payer une nuitée supplémentaire, ou quand ils viennent chercher un livre ou des brochures.

On ne peut jamais deviner qu’au-delà des apparences leur vie privée est infernale et malheureuse. »

 

« J’ai toujours été impressionné par les rapports chaleureux, aimants, que j’ai régulièrement pu observer chez les lesbiennes. Leurs sentiments de sympathie, de compassion et de compréhension vont bien au-delà des rapports habituels entre un homme et une femme. Le sexe ne se réduit pas au sexe, et peu importe qu’il s’agisse d’un couple homo ou hétéro. Cela tient certainement à la façon dont les hommes ont appris à regarder leur corps, à les toucher, à ressentir leur sensualité, par opposition à la manière dont les femmes ont appris à faire la même chose. »

 

« « Tu as pris ta pilule chérie ? » et se disait ensuite qu’en ce qui le concernait, l’affaire était réglée ; pour lui, c’était le feu vert pour baiser, jouir vite fait, puis passer une bonne nuit. Les femmes avaient juridiquement gagné le droit de choisir, mais avaient perdu le droit de choisir le bon moment pour elles. »