- Cela faisait longtemps que vous la connaissiez ?
- Environs 7 ans, l’on s’était rencontré à une soirée, chez des amis, elle m’avait tout de suite plu, j’ai tenté ma chance, mais elle a fini la nuit avec un bel hidalgo… J’avais l’habitude de rentrer seul, un râteau de plus, on fini par s’habituer…
- Et elle ?
- Son amant s’est tiré dès le petit matin, comme souvent dans ce genre de cas. Il avait eu ce qu’il voulait. Par la suite, je me suis aperçu qu’elle ne se laissait séduire que par ce type de personnage, peut-être dans le secret espoir d’être celle qui les retiendrait… Mais à chaque fois, elle était malheureuse, jurait que l’on ne l’y reprendrait plus, et toujours elle recommençait…
- Oui, mais vous, comment l’avez-vous revu ?
- Le soir, j’avais réussi à lui glisser mon numéro de téléphone, au prétexte d’aller arranger son ordinateur. À 10 heures elle m’appelait en pleurs pour me demander de venir. J’ai passé ma journée à la consoler, comme si elle avait perdu l’amour de sa vie. C’est là que notre aventure a commencé…
- Vous avez couché avec ?
- Jamais… Elle n’a jamais voulu… Je l’ai tout de suite aimé, mais ce n’était pas réciproque… en tout cas, c’est ce qu’elle disait…
- Elle ne vous aimait pas ?
- Non… Du moins… Je pense qu’au fond d’elle… Si… mais c’était plus facile pour elle de ne pas s’engager en continuant des histoires d’une nuit ou de quelques jours, en faisant inconsciemment semblant d’y croire… Les relations bancales sont parfois plus simples à gérer…
- Et vous n’êtes pas partis ?
- Non, je ne pouvais pas, une grande complicité nous liait… J’ai essayé deux ou trois fois de la convaincre, puis j’ai fait mon deuil de cet amour impossible. Je suis sorti avec d’autres filles, sans plus, sans beaucoup de sentiments, juste pour exister… Mais pas un jour n’existait sans que l’on se téléphone, pas une semaine sans que l’on se voie…
- Bon, revenons à hier soir, que c’est-il passé ?
- Elle n’avait pas le moral, son garagiste, qu’elle avait réussi à garder deux semaines, était partie. Alors, on a décidé d’aller boire un coup au Macumba. Le verre de trop sans doute… Je ne sais pas pourquoi, ce soir-là j’ai de nouveau voulu tenter ma chance… Des années que je n’y songeais même plus… L’alcool certainement… je me suis rapproché d’elle et je lui ai mis le bras autour de la taille… Elle s’est laissé faire… Et puis je l’ai embrassé, doucement… Elle s’est laissé faire… Et on est rentré chez elle où elle m’a proposé d’en boire un dernier …
- …
- Il lui restait un fond de whisky, juste deux verres, on les a bus en papotant comme d’habitude. Après je me suis levé. Elle a dû penser que je voulais partir, comme en général à cette heure-là… Alors, elle s’est levée aussi. J’ai voulu l’enlacer et l’embrasser comme tout à l’heure… Mais elle m’a repoussé en me disant… … …
- En vous disant quoi ?
- … … non, je préfère que l’on reste bons amis…
- Vous avez insisté ?
- À ces mots, quelque chose s’est brisé dans ma tête, j’ai pris la bouteille…
- La bouteille de whisky vide ?
- Oui… Tout a été très vite… Je me souviens d’avoir pris la bouteille… Et puis tout de suite après les craquements de son crâne, l’onde de choc dans mon bras, le sang partout… Elle, par terre… C’est vraiment fragile un crâne ! Pas la bouteille, elle n’est même pas cassée… Je ne pensais pas, ne voulais pas… Je l’aimais…
- Mais maintenant, elle est morte, et c’est vous qui l’avez tué !
- Vous savez Monsieur le Commissaire, finalement, chez l’homme, ce qu’il y a de plus fragile, c’est le lien entre l’amour et la haine, la raison et la folie…
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Publié initialement le 08 mars 2008
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