Il est trois heures du matin, je n’arrive pas à dormir. J’entends le bruit de la mer, des vagues qui s’écrasent contre la falaise en soupirant, en rongeant de leurs larmes les pierres insensibles. Cela fait maintenant trois nuits que cela dure, et ce n’est qu’au premier rayon de soleil que je retrouve enfin les bras réconfortants de Morphée. Trois nuits, que ce bruit, qui d’habitude me berce plus sûrement que les chansons de ma maman, m’obsède au point de ne plus pouvoir fermer l’huis de mes yeux ! Trois nuits, que derrière le bruit des vagues, j’entends cette musique entêtante, chaque fois un peu plus présente . Jusque-là, j’ai résisté à l’envie d’aller voir de plus prêt de quoi il en retournait, mais ce soir je veux en avoir le cœur net. 

Je me suis rhabillé, chaussé mes bottes, mis un gros pull. La Lune est pleine, et suffit à me guider sur ces chemins que je connais sur le bout des doigts. Une légère brise vivifiante chargée des senteurs de la mer vient me caresser le visage.
Le chant mélodieux se détache de plus en plus du bruit du ressac au fur et à mesure que je m’approche. Qui peut donc à cette heure-là, venir chanter dans ce coin perdu ?

Au pied de la falaise, je l’aperçois enfin, juste à côté de la petite plage enchâssé dans la minuscule crique, royaume des pêcheurs de mollusques et autres crevettes. Elle est assise sur un rocher, les pieds traînant dans l’eau, sous la lumière de la lune, il me semble qu’elle porte une longue jupe qui renvoie des éclats argentés, le haut du corps est dénudé, laissant deviner dans la pénombre une généreuse poitrine se soulevant au rythme de la respiration de cette étrange mélopée. De longs cheveux blonds complètent cette surprenante apparition. Et quelle voix! magnifique, mélodieuse, envoûtante ! Je ne peux m’empêcher de m’approcher doucement et d’aller la rejoindre sur son rocher, la mer commence à remonter, et j’ai de l’eau jusqu’à la taille, mais ce n’est pas grave, plus rien n’est grave. Maintenant je sais que ce n’est pas une légende, elles existent bien…

C’est Albert qui découvrit le corps au petit matin, alors qu’il allait à la pêche aux crabes. La police conclut à une noyade, mais ne put s’expliquer l’expression calme et heureuse du visage du mort, contraire à toutes les lois du genre. Le commissaire ne s’expliqua pas non plus la présence de ces deux magnifiques écailles argentée retrouvée dans la main fermée du macchabée. Quelque chose lui disait que cette nuit il ferait bien d’aller faire une petite planque discrète du côté du lieu du crime, quelque chose comme une petite musique lancinante dans le tourbillon de ses pensées…

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Publié initialement le 27 mars 2008, ma participation au Sablier de printemps (amorce 3) et qui provient d’un billet de Zoridae