Ça, j’en ai vu des culs ! des petits, des gros, des tendres, des durs, de toutes les couleurs… ah oui, je pourrais en faire une encyclopédie.
Il faut dire que mon mec, c’est un sacré tombeur, et que c’est en toute connaissance de cause qu’il m’avait choisi. Ferme et confortable, c’était son premier critère, et puis maniable aussi, il fallait que je réponde au doigt et à l’oeil, d’un simple clic, d’une petite clac, hop je passais d’une position à une autre !
Presque vingt ans de vie commune déjà ! Ce n’est pas rien ! Mon gars je le connais par coeur. Cadre commercial dans une grosse boite, il en jette. Salaire confortable, il aurait pu me remplacer depuis longtemps, mais non, je crois qu’il m’aimait bien. 
Quand je le voyais se transformer en dandy, sortir la chemise blanche, choisir sa veste, le petit coup de parfum qui va bien, les cheveux un peu en bataille savamment travaillée, et la petite écharpe en touche finale, je savais qu’il y allait avoir du sport ! 
Et là, souvent j’étais aux premières loges : tendre ou rude, langoureux ou sauvage, simple missionnaire en évangélisation ou brouette de zanzibar à prise de risque acrobatique maximum sans filet digne du Cirque du Soleil, silencieux ou expressif, j’ai tout vu, tout entendu, tous ressenti !
Ah oui, il en avait de la prestance, et avec son bagout, elles lui tombaient toutes crue dans les bras…
Ce que je préférais c’est quand il les invitait à la maison. Il m’habillait de propre, sortait la petite table. Souvent, il passait chez le japonais ; redoutable les sushis pour draguer. Il s’excusait, trop de travail, il n’a pas eu le temps de cuisiner. Les pauvres si elles savaient, elle ne regretterait pas ! il n’a jamais su faire la cuisine ! Tout dans le bluffe, mais avec son beau sourire…
Quelques-unes sont revenues des fois, j’aimais à croire que c’était pour moi,plus que pour lui, mais bon, soyons réalistes…
Et puis… 
Et puis il y a eu elle !
J’aurais dû m’en méfier dès le début. Je ne l’aimais pas trop, et c’était réciproque. Elle m’a affublé de quelques horreurs, soi-disant pour « essayer » de me mettre en valeur. Elle faisait bien la moue, ça c’est sur. 
Et puis elle était de plus en plus à la maison, et lui, ben il a changé, il m’a oublié, jusqu’à ce soir-là, où elle a menacé : « J’ai mal au dos, alors, c’est lui ou moi ! »
Et cela a été moi… 
Ils sont rentrés tout à l’heure, avec deux copains, les bras chargés du nouveau lit, un vrai, rigide, sans âme ; du moins pour le moment. Il vivra certainement à son tour leurs amours, peut être même des adultères ; je le connais mon homme !
Moi, ils m’ont pris sans ménagement, sortis là, sur le trottoir, sans un regard. 
La salope !
Ultime déchéance, un chien vient de pisser sur moi. Vingt ans de vie commune et voilà…
Les hommes sont tous les mêmes, ils couchent des années avec vous, et puis, vlan, dehors le canapé, devenu trop mou, plus assez souple -ou trop, cela dépend… Juste les ravages de la vieillesse…
Non, non je ne pleure pas, c’est juste la pluie…
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Marie, dans un commentaire m’y a fait penser, alors un petit texte pour les impromptus de la semaine dont le thème pourrais se résumer à “Objets inanimés avez vous une âme… “