Il n’est pas toujours facile de parler d’un livre que l’on a aimé !

C’est le cas de ce « Le journal d’un manœuvre » de Thierry Metz (éd. Gallimard).

Dans le genre inclassable, il se pose là ; le journal d’un poète manœuvre, ouvrier le plus bas de l’échelle, qui nous narre à sa façon le temps d’un chantier.

 

Des fois un mot, des jours deux ou trois phrases, par moments des pages…

 

Juste la vie, triste, marrante, désabusée ou enjouée ; simple spectateur…

 

C’est dans  « À  la ligne », Joseph Ponthus nous parle de ce livre qui l’avait inspiré et j’ai eu envie de le lire.

 

C’est un ouvrage vite lu, qui sort de l’ordinaire et qui ne peut, au-delà de sa poésie, nous laisser indifférents !

4° de couverture :

 

«C’est que vivre a quelque chose de terriblement élémentaire. Chaque matin l’âme se réveille toute nue, et le travail, la douleur, les gens, l’absence sont debout, bras croisés, à l’attendre avec un dur regard d’exterminateur. Mais chaque soir, quand la fatigue ne l’a pas anesthésié, Thierry Metz note la part respirable des heures qu’il a traversées.

Ce que nous pouvions prendre pour un univers de médiocrité banale se trouve être une merveille. Elle ne nous retient pas par la manche comme font les vendeurs forains. Elle parle à mi-voix et l’entend qui veut. Elle dit : qui que tu sois, tes instants ne contiennent rien d’autre, mais ils sont des miracles.»

Jean Grosjean.

 

Citation :

 

« Ce qu’indique le manœuvre est inscrit dans ce qu’il montre. Besognes, dit-on. Sale boulot. Sans doute, mais ici, dans l’à-peu-près, nous avons plus à faire avec les outils qu’on nous donne qu’avec les mots qu’on nous impose. »

 

« Nous nous sommes avancés loin dans le chantier. Mais ce soir on a des enclumes au bout des bras. Nos visages en disent long. Impossible de cacher le dormeur qui s’accroche à nous.

Tout ce que nous pouvons faire maintenant : c’est bâtir une chambre autour de lui »

 

« On a peu parlé aujourd’hui tous les deux : servir cinq maçons qui bâtissent, ça fait beaucoup de bétonnières, beaucoup de mortier à préparer. Et faire manger les brouettes, remplir les gamates, approcher les parpaings, aider celui-ci à monter son échafaudage : on aurait du mal à trouver un petit espace où nos mains n’aient rien fait. »

 

« 4 juillet. — Du café pour le camarade, du thé pour moi. Samedi à la maison. On discute au bord de la table, dans la proche banlieue d’un repas, sous une voûte. On serait mieux sous une feuillée, mais tant pis, on campera devant la fenêtre avec nos mots. Quelques mots à peine qu’on a glanés à l’usine, au chantier, mais plus loin aussi, dans les archipels d’une mémoire, dans le langage d’une mère. »

 

« J’ai choisi de rester dans la colline, sous le feuillage d’un tilleul. Le soleil est si haut que l’arbre n’est plus qu’une ombre dans la mémoire de l’arbre. »

 

« Boulevard de la République : une librairie.

- Je voudrais des craies de couleur, s’il vous plaît.

La dame m’apporte une petite boîte, en disant le prix. Ce n’est pas cher pour un arc-en-ciel. »